
Pour l’historien et anthropologue malgache, Michel Razafiarivony, professeur à l’Université d’Antananarivo, les 18 ethnies déterminées au temps du colonialisme, ne définissent pas non seulement la population malgache, mais aussi ont été utilisées par les colons pour diviser. Interview
Les Nouvelles (*) : Vous êtes catégorique que les 18 ethnies ne composent pas toute la population malgache, pourquoi ?
Pr Michel Razafiarivony : L’histoire des 18 ethnies ou tribus remonte au temps de l’annexion française en 1896. La délimitation effectuée en ce temps là par les colons était donc à leur profit, appliquer le système de « diviser pour régner ». Car, en réalité, cette délimitation ne définit pas réellement la population malgache. Leur premier objectif a été d’éliminer la notion de « Royaume de Madagascar » auprès des Malgaches, une fois que ces colons sont arrivés au pouvoir, dans le but de mater les éventuelles rébellions. La délimitation des six provinces va aussi d’ailleurs dans ce sens.
(*) Quelles étaient donc la ou les lacunes de cette délimitation ?
(-) Elle n’a pas suivi les règles scientifiques qui adoptent plutôt pour le clan ou lignage, au lieu de tribu ou ethnie. Le lignage définit les descendants d’une telle ou telle personne qui se rassemblent automatiquement, du fait qu’ils ont les même us et coutumes. Tandis que pour les membres d’un clan, ils ne se souviennent plus de leur ancêtre commun, pourtant, ils s’associent ayant les même us et coutumes. D’ailleurs, d’autres tribus, si on peut les appeler ainsi, ne figurent pas dans la liste des 18 ethnies. Par exemple, les Masikoro, les Vezo et les Makoa. Ce n’est qu’une délimitation fictive, tout à fait à côté de la plaque. Et les conséquences ne sont plus à démontrer actuellement.
(*) Que proposez- vous donc comme solution ?
(-) Eliminer de notre vocabulaire les termes tribu et ethnie. Ils n’ont fait que créer des rivalités entre Malgaches. Il faut pousser les recherches au niveau des régions pour prouver que les Malgaches ne font qu’un. A l’exemple, le « Sôva Tsimihety », le « Beko Antandroy » et le « Vakisova de l’Imerina » ne sont au fond que des chansons typiquement malgaches, malgré le peu de diversités qu’elles présentent. L’utilisation des termes Tsimihety, Antandroy et Merina ne font qu’accentuer l’écart entre les Malgaches, au lieu de les rapprocher. Ce n’est pourtant que par un rapprochement qu’on arrive à constituer une vraie nation.
Propos recueillis par Sera R.