
Agé d’une vingtaine d’années, Ndranto est un jeune homme qui a passé plus d’un an derrière les barreaux. Il vient de bénéficier de la grâce présidentielle en début d’année, et apporte son témoignage sur la vie qu’il a menée en prison.
*Les Nouvelles : Comment avez-vous affronté vos premiers jours en prison ?
-Ndranto : Je m’en souviens encore comme si c’était hier. D’ailleurs cela restera gravé à jamais dans ma mémoire. Dès les premiers jours, je me sentais perdu, égaré parmi des gens que je ne connaissais pas et dans un endroit totalement impressionnant et inconnu. Après les premiers chocs, je commençais à remonter la pente. Comme je me débrouille pas mal en coiffure, j’ai décidé de faire de cette activité mon gagne-pain. En contrepartie, je recevais du riz ou de l’argent, une modique somme de 300 ariary. Cela aide un peu quand on n’a pas de famille qui vous apporte à manger et que l’on n’a qu’une seule ration de manioc tous les après-midis pour apaiser la faim.
*Et pour les autres détenus…
-Tous les détenus qui sont dans la même situation que moi se débrouillent ainsi pour survivre. S’ils n’ont pas de spécialité, ils offrent leurs services auprès des « Patrons », c’est-à-dire ceux qui ont les moyens de se payer ces services pour réaliser les corvées à leur place, comme le nettoyage des chambres, ou encore la cuisson de leurs repas, la vaisselle et la lessive, bref devenir leurs domestiques. Il arrive des cas où ces domestiques deviennent la « maîtresse » des patrons. D’ailleurs, l’infirmerie leur distribue parfois des préservatifs.
*Quel est le moment qui vous a frappé le plus ?
– Le plus dur pour moi a été d’être séparé de ma famille, c’était la première fois que j’avais été incarcéré. A un moment donné, j’étais très malade, j’avais le palu. A force de rester debout au soleil pour exercer mes talents de coiffeur, je me sentais bizarre à la fin de la journée, comme si j’avais pris un coup de froid. J’étais dans cet état pendant trois jours avant que le responsable de mon quartier ne m’envoie à l’infirmerie. Durant ces trois jours, j’avais le vague à l’âme, je me sentais vraiment seul, sans personne pour me rendre visite et sans famille pour être à mon chevet. Heureusement, à l’infirmerie, on m’avait prescrit une ordonnance et donné des médicaments, et j’ai pu guérir par la suite. Depuis, pour passer le temps, j’essaye de m’adonner à une activité physique au quotidien en faisant des va-et-vient dans la cour de la prison pour me maintenir en forme.
*Justement sur le plan sanitaire, est-ce qu’on s’occupe un peu des détenus ?
-En prison, les maladies peuvent vite se propager. Le quartier n’est pas spacieux alors qu’on est nombreux à l’intérieur et on suffoque vite de chaleur. Lorsque quelqu’un est malade et revient de l’infirmerie, il risque de contaminer les autres parce qu’on était collés les uns aux autres dans le dortoir. Tellement collés que l’on devait se taper quelquefois les épaules pour se retourner en même temps d’un autre côté lorsque qu’on dort. Heureusement qu’il y a la Croix-Rouge (CICR) qui effectue de temps à autre une campagne de désinsectisation et de dératisation, sinon le dortoir serait invivable à cause de la présence des poux et insectes en tous genres. Elle nous distribue aussi par la même occasion du savon.
*Quel est votre message auprès des jeunes comme vous ?
– De faire attention dans tous ce qu’ils entreprennent pour ne pas tomber dans le même piège que moi auparavant. Il n’y a jamais eu d’argent facile dans la vie, et toute chose a une fin. Ce n’est qu’à la sueur de son front qu’on pourra vivre convenablement et envisager un vrai avenir.
Sera R.