
Joseph Ranaivoson est un «Rain-jaza», littéralement père des enfants. C’est un tradipraticien qui a derrière lui plus de trente ans de circoncisions. D’après lui, pratiquer cette coutume actuellement, en utilisant uniquement un rasoir et de l’eau sacrée «Rano mahery», condamne à l’avance le circoncis à une infection certaine. Interview.
*Les Nouvelles : Depuis quand avez-vous pratiqué la circoncision ?
-Joseph Ranaivoson : En 1982, quand j’étais infirmier dans l’armée. Ayant observé les «rain-jaza» de cette époque qui se contentaient uniquement de nettoyer la plaie par du «Rano mahery» après la circoncision, j’avais décidé d’intervenir. Et ce, en utilisant des instruments modernes et en respectant le minimum d’ hygiène y afférent. D’ailleurs, j’ai toujours épaulé des médecins militaires qui ont pratiqué cette coutume durant plusieurs années, avant de m’y lancer à mon tour.
* Quelle est donc la différence ?
– Du point de vue instruments, j’utilise des bistouris ou des ciseaux chirurgicaux. Sans oublier de les nettoyer à chaque fois par des antiseptiques, avant de les utiliser pour d’autres enfants. Ce qui me différencie de certains tradipraticiens qui utilisent non seulement un rasoir mais en outre, ne soucient pas de le désinfecter en cas d’une circoncision massive. Et, au lieu du «Rano mahery», je préfère utiliser de la Bétadine ou de l’alcool. Il va sans dire qu’avec la pollution actuelle des rivières, utiliser du «Rano mahery» condamne à l’avance le circoncis à une infection certaine. Ainsi, je peux donc me vanter d’être parmi les pionniers des circonciseurs traditionnels qui se sont soumis à la modernité.
* Quelles ont été les réactions de vos abonnés au début ?
– Ils ont été sceptiques du fait que je ne suis pas médecin et loin d’être un circonciseur traditionnel. Mais les résultats qui s’ensuivaient ont commencé à faire tâche d’huile. Et en 34 ans de métier, je n’ai reçu jusqu’ici aucune plainte de la part de mes abonnés. S’il y avait complication, cela dépendrait de l’état physiologique de l’enfant, comme celui d’être diabétique par exemple.
* D’après vous, pourquoi on fait appel à vous, plutôt qu’aux autres ?
-Par rapport aux autres médecins, je pense que c’est le coût de mes services. Je ne réclame, en effet, que 10 000 ariary par enfant, les frais de déplacement en sus. Et aux prix des médicaments actuels, c’est juste pour compenser les dépenses nécessaires aux interventions. Les circonciseurs traditionnels réclament à peu près le même prix, à la différence que les gens commencent à être convaincus de l’importance du respect d’hygiène dans la pratique de cette coutume. Toutefois, on fait de moins en moins appel à nos services actuellement. Cela s’explique du fait que la majorité des ménages sont en situation précaire de nos jours et préfèrent ainsi attendre les circoncisions massives organisées au niveau des arrondissements ou des communes.
Propos recueillis par Sera R